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Histoire et définitions

L’anorexie mentale qui est un trouble du comportement alimentaire encore considéré comme une curiosité clinique il y a une vingtaine d’années, suscite de plus en plus d’intérêt aujourd’hui. En effet, cette fascination semble être le fruit d’une apparente augmentation de sa fréquence dans les pays industrialisés mais également depuis peu dans les pays en voie de développement. Cette maladie est extrêmement grave puisqu’elle menace la survie de l’individu et  touche majoritairement les femmes dont le début des troubles se situe entre 14 et 17 ans. L’approche actuelle de leur étiologie fait appel à un déterminisme plurifactoriel intégrant des facteurs sociaux, familiaux, psychiques et biologiques qui interagissent et s’influencent réciproquement

L’anorexie est un trouble du comportement alimentaire qui se caractérise selon G.BESANCON par : «…des troubles de l’image du corps et des besoins, dominés par une peur intense et permanente de grossir, une méconnaissance et un refus de reconnaître la maladie comme les besoins et les limites du corps ».

 

L’anorexie, du grec ‘an’ (privation, absence de) et ‘orexis’ (appétit), est un terme généralement utilisé pour désigner une diminution de l’appétit ou une aversion pour la nourriture pouvant entraîner une véritable cachexie. Le premier cas connu d’anorexie mentale ou du moins celui qui est généralement cité dans la littérature médicale, est décrit dans le livre de R.MORTON (1720) « A Treatise of Consumptions » cité par R.M.BELL (1994) : L’auteur décrit la situation critique d’une jeune femme qu’il a traitée en 1686. A l’âge de 20 ans : « Elle souffrit de la suppression totale de ses règles (…) son appétit commença à décliner, sa digestion devint mauvaise et pourtant elle n’avait pas de fièvre (…) elle ressemblait à un squelette n’ayant que la peau sur les os ». Elle mourut trois mois plus tard.

 

Historiquement, on reconnaît aux travaux presque concomitants de C.LASEGUE (1873) en France sur « l’anorexie hystérique » et de W.GULL (1874) en Angleterre sur « l’anorexie nerveuse » d’avoir fait entrer l’anorexie dans le champ de la clinique psychiatrique moderne. C’est C.LASEGUE (1873) dans un article qui le premier présente l’anorexie comme un diagnostic différentiel de la tuberculose et des maladies digestives organiques face à un amaigrissement. Il définit l’anorexie comme « une faim imaginaire » et explique que la perte de poids est due à l’absence de digestion. Il fait de l’anorexie mentale une forme clinique de l’hystérie requérant les mêmes précautions thérapeutiques et relevant de la même étiologie que l’hystérie commune. Quant à W.GULL (1874), il  soutient l’idée d’une cause neurologique liée à l’irritation de l’estomac.

L’anorexie est la perte de poids qui motive le plus souvent une première consultation chez le médecin. Celle-ci est habituellement à l’initiative des parents du fait du déni des troubles de la part de l’adolescente : « Elle ne demande rien et ne se trouve pas malade ! » (Parole des parents). A ce moment-là, la restriction alimentaire s’est aggravée et le syndrome anorexique s’est confirmé associant la triade symptomatique définie par C.LASEGUE (1973) qui associe anorexie, amaigrissement et aménorrhée :

Anorexie :

Selon Jeammet, « Loin d’être une perte passive de l’appétit, l’anorexie est une conduite active de restriction et de lutte contre la faim destinée à apaiser la peur de grossir et à satisfaire le désir de maigrir ». L’anorexie au sens propre du terme apparaît lorsque l’amaigrissement est important ou prolongé. Peuvent parfois s’associer à cette conduite restrictive des crises de boulimies, des vomissements provoqués ou encore l’utilisation de purgatifs (laxatifs, diurétiques, lavements). Précisons qu’au fur et mesure de l’évolution de la pathologie, l’adolescente est de plus en plus envahie par des préoccupations centrées sur la nourriture.

Amaigrissement :

La plupart du temps, l’amaigrissement débute à l’emporte-pièce et évolue rapidement. Ainsi, tout infléchissement de la courbe de poids peut être le premier signe objectif d’une anorexie mentale. Durant l’adolescence il n’existe pas de mesure satisfaisante du « poids idéal » et l’amaigrissement atteint souvent rapidement 20% à 30% et dans les cas extrêmes jusqu’à 50% du poids antérieur ou souhaitable.

Aménorrhée :

Elle survient généralement quelques mois après l’amorce de la restriction alimentaire et persiste souvent malgré le retour à un poids normal.

A cette triade symptomatique s’ajoutent de nombreuses atteintes somatiques de gravité variable telles que : aspect prématurément vieilli des sujets, peau sèche, chute des cheveux, acrocyanose des extrémités, œdèmes des chevilles,  présence de lanugo, altérations dentaires… Les patientes présentent également une hyperactivité motrice et intellectuelle, une absence de désir sexuel, un évitement social, un climat conflictuel avec l’entourage et une consommation d’eau excessive.

Les critères diagnostiques les plus anciens sont définis par J.P. FEIGHNER (1972)

1)          Début des troubles avant 25 ans.

2)        Anorexie avec perte de poids d’au moins 25% du poids idéal.

3)         Comportement perturbé vis-à-vis de tout ce qui concerne la prise d’aliment, la nourriture     et le poids :

Déni de la maladie avec incapacité à reconnaître les     besoins nutritionnels.

Plaisir apparent à se priver d’aliments.

Minceur extrême comme l’image idéale du corps.

Conduite inhabituelle portant sur la manipulation et le stockage d’aliments.

4)        Pas de maladie médicale rendant compte de l’anorexie et de

l’amaigrissement.

Pas d’autres troubles psychiatriques.

Existence d’au moins deux des manifestations suivantes : aménorrhée, lanugo, bradycardie<60/min, périodes d’hyperactivité,   épisode de boulimie, vomissements.

D’autres critères diagnostiques ont été proposés pour l’anorexie mentale. Dans le DSM-IV-TR, l’anorexie mentale ou anorexia nervosa (F50.0 [307.1]), la boulimie ou boulimia nervosa (F50.2 [307.51]) et les troubles des conduites alimentaires non spécifiés (F50.x [307]) sont classées dans les troubles du comportement alimentaire. L’anorexie mentale se caractérise par un refus de maintenir le poids corporel au niveau ou au-dessus d’un poids minimum normal pour l’âge et la taille, par une peur intense de prendre du poids ou de devenir gros (alors que le poids est inférieur à la normale), mais également par une altération de la perception du poids ou de la forme de son propre corps. Le DSM-IV-TR cible l’existence d’une perturbation du vécu du poids ou de l’aspect du corps et l’influence de ces perturbations sur l’estime de soi, que vient parfois compléter un déni de la gravité de l’amaigrissement chez les femmes post pubères. Et enfin selon le DSM-IV-TR, l’anorexie mentale s’accompagne d’une aménorrhée.

Dans la CIM-10, l’anorexie est classée dans les syndromes comportementaux et troubles mentaux associés à un dérèglement des fonctions physiologiques ou à des perturbations hormonales. La classification définit l’anorexie mentale comme un trouble caractérisé par une perte de poids intentionnelle, induite ou maintenue par le patient et constitue un syndrome indépendant. Cette classification invoque, outre la présence de facteurs socioculturels et biologiques dans sa survenue, des mécanismes psychologiques peu spécifiques et une vulnérabilité particulière de la personnalité. La CIM-10 définit enfin l’anorexie mentale comme une psychopathologie spécifique qui consiste en une perturbation de l’image du corps qui est associée à l’intrusion d’une idée surinvestie : la peur de grossir.

(Extrait du mémoire de recherche de Fabienne Simon)